DES BRETONS AUX ANTILLES

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La flamme olympique sur le Belem : d’Athènes à Marseille, l’histoire d’un voyage pas comme les autres

La flamme a quitté Athènes samedi et entamé un long voyage vers Marseille, où elle sera fêtée par 150 000 personnes le 8 mai. À bord du Belem, 16 membres d’équipage, 48 passagers, dont 16 jeunes venus de Grèce et de toute la France.

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Le Belem a quitté Athènes, direction Marseille. Parmi les passagers, 16 jeunes qui vont vivre l'aventure de leur vie. AFP/Angelos Tzortzinis
Le Belem a quitté Athènes, direction Marseille. Parmi les passagers, 16 jeunes qui vont vivre l'aventure de leur vie. AFP/Angelos Tzortzinis
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    « Bonne route Belem, rendez-vous à Marseille ! Prenez bien soin de la flamme olympique ! » Il est un peu plus de midi, ce samedi 27 avril, en Grèce. Escorté par des dizaines de voiliers, le majestueux Trois-Mâts a déjà laissé les côtes d’Athènes derrière lui. Quelques minutes plus tôt, Tony Estanguet, le président de Paris 2024 est venu déposer la lanterne renfermant la flamme olympique, dans le grand roof, l’ancien salon d’honneur, donnant ainsi le coup d’envoi d’un long voyage de 12 jours.

    Le passage de l’étroit canal de Corinthe, actuellement en maintenance et qui sera exceptionnellement ouvert dimanche pour la flamme, puis le détroit de Messine, l’Etna, le volcan Stromboli, la Corse et enfin Marseille. Le 8 mai, à 19 heures, à l’issue d’une immense parade, le Belem accostera dans le Vieux-Port. Houari n’a pas attendu l’arrivée pour déployer le drapeau bleu et blanc aux couleurs de la ville. Benoît Payan le Maire de Marseille le lui avait confié pour le 8 mai, voilà le jeune des quartiers nord qui devance le moment.

    « Nous sommes les Marseillais, et nous allons gagner, allez l’OM ! » entonne Yassine, qui a également grandi dans la cité phocéenne. « J’avais tellement envie de saisir cette opportunité, je vais profiter de tout le monde, insiste Yassine. L’an dernier je ne savais pas quoi faire, j’ai passé mon diplôme de surveillant de baignade, ce qui a convaincu la Caisse d’Épargne Provence Alpes Corse de me sélectionner. J’ai enfin vu cette flamme, je la ramène dans ma ville, dont je connais les moindres recoins, je vais vivre un truc de fou ! Cette aventure va me servir de tremplin pour ma vie ! » « La flamme est entre de bonnes mains, sourit Tony Estanguet. Une flamme qui arrive en France par la mer, ça a beaucoup de sens. »

    « Construire quelque chose avec ces jeunes »

    Pour ce moment historique, la Caisse d’Épargne, parrain du relais de la flamme, a choisi de mettre en place un vaste programme d’insertion à travers toute la France. Pendant plus d’un an, les 15 caisses régionales ont ainsi organisé des stages de 2 ou 3 jours à bord du Belem, en s’appuyant sur différentes associations, notamment l’école de la deuxième chance et les missions locales. Quatorze jeunes (un n’a finalement pas pu venir), âgés de 17 à 25 ans ont ensuite été choisis pour devenir éclaireurs durant ces 12 jours à bord. La ville de Marseille a, quant à elle, proposé l’aventure à Houari, alors qu’Anastasia, dont la maman laissait couler ses larmes au moment du départ, représente la Grèce.



    « L’insertion et l’inclusion sont des thématiques sur lesquelles nous travaillons depuis longtemps, notamment depuis que la Fondation Caisse d’Épargne est devenue propriétaire du Belem, explique Jacques Olivier Hurbal, directeur du développement Caisse d’Épargne. Nous organisons régulièrement des stages à bord et ce projet, avec des jeunes, nous a semblé naturel, tout comme il était important pour nous de mettre en avant les territoires, à travers les caisses régionales. Nous allons vraiment construire quelque chose avec ces jeunes, pour qu’il y ait un après à cette aventure hors du commun. »

    VIDÉO. JO Paris 2024 : la flamme olympique a embarqué sur le Belem en direction de Marseille

    Eléonor, la Nantaise, a été détectée via l’école de la seconde chance. « J’avais eu mon bac mais je ne savais pas quoi faire dans la vie, j’étais paumée, raconte la jeune femme de 20 ans. Je suis rentrée à l’école de la 2e chance en avril 2023, un mois plus tard, Miloud, mon référent, m’a encouragée à monter sur le Belem. C’est en arrivant sur place qu’on nous a expliqué le projet, j’ai tout fait, je suis même montée sur le mât, même si j’ai le vertige, pour ne rien regretter. »

    Chloé est, elle, une vraie passionnée de bateaux, et notamment du Belem - « de son histoire, de sa grandeur « - depuis plusieurs années. « J’ai beaucoup lu durant le confinement, les livres m’ont donné cette envie de voyages, d’évasion, cette envie aussi de devenir skippeuse sur un voilier, raconte la jeune fille de 18 ans. Cette aventure est une grande chance pour moi. »

    « Ils vont traverser des aventures fantastiques »

    À bord, les 16 jeunes vont participer à la vie du voilier, en fonctionnant en équipes et par quart. « Leur vie à bord va être rythmée par les besoins du navire, ce sont ces 16 jeunes qui vont le faire avancer, qui vont faire en sorte de remplir cette mission, raconte Aymeric Gibet, le capitaine du Belem. Ils vont traverser des aventures fantastiques, ils vont s’entraider, ils vont avoir les yeux qui brillent, parfois un peu les yeux qui pleurent. C’est important pour nous de se dire que dans leur chemin de vie, cette aventure sera une étape clé. Transporter la flamme, c’est comme transporter un Chef d’État, c’est un symbole mondial ! »

    Les jeunes à bord du Belem au départ en Grèce. «C’est la première fois de ma vie qu’on me tend la main», confie l'un d'eux.
    Les jeunes à bord du Belem au départ en Grèce. «C’est la première fois de ma vie qu’on me tend la main», confie l'un d'eux. Caisse d’Epargne/Vincent Curutchet

    Les yeux de Zahib n’arrêtent plus de s’illuminer. « Waouh, je vais accompagner la flamme olympique. Je suis tellement content, tellement fier d’avoir été choisi parmi des milliers de personnes, sourit-il. J’ai traversé tellement de choses, je n’ai jamais eu l’occasion de vivre une aventure, c’est la première fois de ma vie qu’on me tend la main. » Né à Kaboul, Zahib a perdu son père, tué par les talibans, à l’âge de 5 ans. « J’aurais aimé être un enfant comme les autres, aller à l’école, dormir dans un vrai lit », résume-t-il sobrement.

    À 10 ans, il travaillait dans un restaurant, avant de fuir l’Afghanistan direction la Suède, où il effectuait des études d’aide-soignant, puis la Bretagne et La Rochelle. Là, l’association ID 17 l’a pris sous son aile. « Je suis devenu paysagiste, raconte Zahib. Un jour l’association, qui travaille régulièrement avec la Caisse d’Épargne Poitou-Charentes, m’a proposé de suivre un stage sur le Belem, j’ai eu l’impression d’être dans Pirates des Caraïbes ! »

    « Je suis dyslexique, j’ai été harcelé à l’école, j’ai eu des relations difficiles avec ma mère, confie Thomas. Mon chef de corps chez les pompiers m’a pris par la main, il m’a aidé à faire ma lettre de motivation. Je vais transporter la flamme, c’est incroyable. Je vais la prendre en photo, je vais passer des heures à la regarder. J’ai une chance unique, c’est une revanche sur mon passé. »

    « Tant pis si je me brûle avec »

    « S’il n’y a ne serait-ce qu’un jeune des quartiers nord qui se dise si Houari a ramené la flamme à la maison, moi aussi je peux devenir quelqu’un, j’aurai réussi ma mission, estime Houari, surveillant dans un collège. On parle souvent en mal des jeunes de Marseille, avec Yassine nous avons envie de montrer qui nous sommes vraiment. » La magie opère peu à peu. « Je ne m’étais jamais vraiment intéressée aux Jeux olympiques avant ce projet, avoue Chloé. Je me rends compte que la flamme est un symbole très fort. On ne va pas seulement faire une navigation, on va transporter la flamme. Et on va bien s’occuper d’elle ! »

    « Je suis heureuse qu’on me fasse confiance pour accompagner la flamme. En tant que jeune, en tant que petite-fille d’immigrés turcs, souligne Eléonor. Je suis contente qu’on ait pris des gens des quartiers, des jeunes qui souffraient de dyslexie, d’autisme. On est tous là avec nos différences, on est des symboles de la jeunesse. J’ai aussi l’impression d’apporter ma pierre à l’édifice dans cette histoire des Jeux olympiques et paralympiques. Je ne suis pas sportive, mais la flamme ça représente quelque chose de fort. On ne se contente pas de la récupérer à Marseille et de lui faire faire un tour, on vient la chercher en Grèce, selon la tradition. Je vais la contempler, en profiter, et tant pis si je me brûle avec ! »