Beaux ... mais dangereux, ces acteurs sexy qui ont joué les méchants Matt Damon : Tom Ripley dans "Le Talentueux M. Ripley"
Beau... :
Matt Damon, c'est le gendre idéal. Celui qui porte le sac des jeunes filles au retour des courses (photo), se révèle fidèle à ses amis (Will Hunting) et à sa patrie (Il faut sauver le soldat Ryan).
...mais dangereux : Tom Ripley dans Le Talentueux M. Ripley.
Derrière son petit air innocent se cache pourtant un jeune homme qui ira jusqu'au meurtre pour continuer à mener la dolce vita dans ce remake de Plein Soleil. Et l'acteur ne démérite pas dans cette reprise du rôle tenu dans la version originale par Alain Delon.
Le talentueux Mr Ripley
Un film d'Anthony Minghella
Le jeu du chat et de la souris
Avec ce thriller chic extrêmement bien ficelé, Anthony Minghella a prouvé qu’il maîtrisait les règles du jeu du genre. Il manipule les clichés, tord et re-tord son intrigue et brouille les pistes : qui est le chat, qui est la souris ? La police, Dickie Greenleaf, Tom Ripley ou son amant ? La réponse n’est pas si évidente. Tout le monde perd au jeu : la vie parfois, l’âme surtout. Ripley compris.
Au départ, un roman, « The Talented Mr Ripley » dont le film reprend le titre original. A l’exception du générique qui fait défiler les adjectifs en foule avant de se fixer sur « Talented ». En forme de charade, ce titre ludique à rallonge donne approximativement :
« The Mysterious Yearning Secretive Sad Lonely Troubled Confused Loving Musical Gifted Intelligent Beautiful Tender Sensitive Haunted Passionate Talented Mr. Ripley ». (En traduction : Le mystérieux ardent secret triste solitaire dérangé perdu amoureux musicien doué intelligent beau tendre sensible hanté passionné talentueux Mr Ripley). Et en effet, Minghella tient cette (longue) promesse dans le film, ajoutant une certaine humanité, parfois même une conscience, au Ripley original, le Machiavel froid du roman.
La naissance de Ripley
Écrit en 1955 par Patricia Highsmith, l’intrigue joue en virtuose sur les accords majeurs les plus sombres de la psyché humaine : la cruauté, l’intelligence, le détachement, la sexualité (ici l’homosexualité, encore taboue à l’époque), l’envie, les rapports de soumission et de domination entre les classes sociales… Cette histoire de manipulation tordue ressemble d’ailleurs beaucoup à son premier roman, adapté à l’écran en 1951 par Alfred Hitchcock, « L’Inconnu du Nord Express ». Le talentueux Ripley du titre, personnage fascinant, fait du livre un best-seller et donne à Patricia Highsmith un point départ pour une collection de cinq aventures de Ripley surnommée la « Ripliade » par ses plus fervents lecteurs ! Qui est ce Ripley ?
À la fin des années 50 à New York, Tom Ripley, un jeune homme brillant mais sous-employé, est envoyé en Europe à la suite d’un hasard providentiel pour y récupérer un jeune playboy millionnaire, Dickie Greenleaf. Dickie embarque Ripley dans le tourbillon de sa vie en Italie. Mais les choses ne tournent pas comme prévu et Ripley, grâce à son don pour la contrefaçon et l’imitation rentre de plus en plus loin dans un jeu de rôle pervers qui le sauve et le damne à la fois.
« Plein Soleil » en 1999 ?
Dans la version de René Clément du roman, « Plein soleil » en 1960, Alain Delon dans toute la splendeur de sa jeunesse jouait un Ripley calculateur et génial, à la beauté du diable, un être supérieur et vil qui, comme le Lafcadio de Gide dans les « Caves du Vatican », gagne une partie serrée et immorale sur la société.
Ripley version 1999 c’est Matt Damon à peine sorti du « Good Will Hunting » de Gus Van Sant qui l’a révélé. Avant de l’engager Minghella avait d’ailleurs envisagé Tom Cruise ! Parfait dans le film, Damon a depuis prouvé son grand talent, spécialement en 2006 avec « The Good Sheperd » de Robert de Niro ou « The Departed » de Martin Scorsese. On peut imaginer que ce n’est pas un hasard si Minghella choisit Damon pour succéder à un Delon à la beauté cosmique, il joue sur le contraste entre le physique assez porcin, un jeune Américain type mal dégrossi et celle plus racée (dans tous les sens du terme) de Jude Law, qui incarne Dickie. Le physique de Ripley si doué dans l’imitation change au fil de l’intrigue : il devient plus sombre dans le crime mais aussi de plus en plus fin, distingué, paradoxalement « civilisé ». Le désir et les jeux de séduction, qu’ils soient tabous (ou non), homosexuels ou pas, nouent et dénouent l’intrigue, toujours avec cruauté.
Dickie Greenleaf : "Tout le monde devrait avoir un talent, quel est le vôtre ? "
Tom Ripley : "Mentir, imiter les signatures et imiter à la perfection à peu près n’importe qui."
Une Dolce Vita glacée
Tous les ingrédients sont réunis pour émerveiller les yeux et glacer le coeur. Ripley et Greenleaf évoluent dans une Dolce Vita proche du fantasme ultime : la nonchalance d’une jeunesse argentée au coeur des Fifties à Rome, Venise, en Toscane ou sur les îles proches de Naples, sous le soleil de Capri, la volcanique Ischia ou Procida. L’été flamboyant fournit un excellent contrepoint à la froideur de Ripley sur un air de jazz. Damon imite d’ailleurs à la perfection la voix de Chet Baker sur My Funny Valentine ! Gwyneth Paltrow et Jude Law forment un couple « de luxe », jouent à merveille deux clichés de la haute société : l’enfant gâté (pourri) un peu vain, un peu creux, une tête à claques qui utilise son charme vénéneux « pour jouer » sur tous ceux qui passent à sa portée et une débutante blonde naïve aux manières exquises prête à perdre son innocence de façon brutale. En bonus dans les rôles secondaires, deux acteurs fantastiques : Philipp Seymour Hoffman en héritier sorti de Princeton, boursouflé de suffisance, cruel à souhait et Cate Blanchett en fausse ingénue richissime trop romantique pour ne pas se faire arnaquer.
Le désir et la mort
Dix ans après la sortie de ce film, il est temps de rendre hommage à Anthony Minghella, mort prématurément en mars 2008. Ses meilleurs films sont d’ailleurs toujours ceux dont il a écrit le script : par exemple, « Truly Deeply, Madly » une douce comédie fantastique sur la mort qui défait un couple, ou le lyrique « Cold Mountain » qui a seulement souffert d’un mauvais casting. Avec ce « Talentueux Monsieur Ripley », il a réalisé un polar élégant jusqu’au bout des griffes, appliquant avec beaucoup d’intelligence les préceptes du maître, Alfred Hitchcock, puisqu’il filme les étreintes amoureuses comme des crimes et les crimes comme des étreintes amoureuses. Sa très belle scène finale, où Ripley enlace son amant, joue sur le son en surimpression et provoque un sentiment de malaise et de fascination diffus. Il montre l’espace d’un instant toute la complexité de son Ripley, amoureux, rationnel, cynique et désespéré.