DES BRETONS AUX ANTILLES

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Qui était Joséphine Baker, qui va faire son entrée au Panthéon ?

Résistante, militante antiraciste, artiste, Joséphine Baker va faire son entrée au Panthéon le 30 novembre, a annoncé le président de la République. Retour sur cette femme au parcours étonnant. Des paillettes à la Résistance. De la pauvreté à la célébrité.

En 1961, Joséphine Baker recevant la Légion d’honneur et la Croix de guerre.
AFP

« J’ai deux amours, mon pays et Paris. » Cette mythique chanson et la carrière artistique de la Franco-américaine Joséphine Baker ont longtemps éclipsé dans la mémoire collective les autres facettes de cette artiste décédée en 1975. Derrière les plumes et la fameuse ceinture de bananes, il y avait une femme à l’histoire personnelle douloureuse, épique et romanesque, une femme libre, une femme militante antiraciste, contre la ségrégation et résistante pendant la Seconde Guerre mondiale.

Pour cette raison, Joséphine Baker fera son entrée au Panthéon le 30 novembre, devenant la première femme noire à rejoindre les grandes personnalités qui sont inhumées dans ce temple républicain dédié à ceux qui ont marqué l’Histoire de France.

Danseuse et chanteuse

Née dans le Missouri (États-Unis) en 1906, Freda Josephine McDonald a grandi dans un milieu très pauvre. La voilà mariée deux fois à l’âge de 15 ans. Elle va poursuivre sa vie avec une audace, une ténacité inouïe et avec talent. D’abord en suivant une troupe d’artistes noirs, puis en allant danser à Broadway. Remarquée par un producteur, elle part pour Paris où, à 19 ans, elle devient une star de la Revue nègre, spectacle musical qui a contribué à populariser en France le jazz et la culture noire américaine.

Elle sera l’artiste la mieux payée du music-hall parisien ! Le 30 novembre 1937, elle épouse Jean Lion, un industriel d’origine juive et obtient la nationalité française. Elle divorcera et se remariera deux fois par la suite.

Elle fait passer des documents avec ses partitions

En 1939, elle se met au service de la France. Elle rencontre le capitaine Jacques Abtey, qui sera responsable du contre-espionnage de la région de Paris et est recrutée comme agent de renseignement. Elle fait passer des informations inscrites à l’encre sympathique sur ses partitions de musique. Elle est envoyée par la suite en mission au Maroc et part en tournée au profit de la Résistance. Elle est nommée sous-lieutenant des troupes féminines auxiliaires de l’armée de l’air française.

« Je n’avais qu’une seule chose en tête […] aider la France », avait-elle dit dans des archives de l’Ina. Elle recevra la Légion d’honneur, la Croix de guerre et la Médaille de la Résistance.

En 1961, Joséphine Baker avec ses médailles. | AFP

À la tribune avec Martin Luther King

En 1963, lorsque Martin Luther King prononce son célèbre discours « I have a dream », Joséphine Baker est aussi là ! Elle a même pris la parole, faisant un discours devant la foule immense, à Washington. Elle a alors revêtu son uniforme et ses médailles de résistante.

« C’est la femme de spectacle, la femme de cœur, la mère, la femme dans son entièreté, la résistante. Même si elle était fière de ce qu’elle avait fait pendant la Seconde Guerre mondiale, elle mettait surtout en avant ses idéaux humanistes », a réagi ce dimanche Akio Bouillon, l’un de ses 12 enfants, sur france info . Car sa vie de famille a également été hors norme. Avec son mari Jo Bouillon, chef d’orchestre, qu’elle épouse en 1947, elle a adopté 12 enfants, du Japon, de Colombie, du Venezuela, de Finlande, de France, d’Algérie, de Côte d’Ivoire, du Maroc. Elle les appelait sa « tribu arc-en-ciel » .

Ils vivent alors au domaine des Milandes, en Dordogne. Un lieu étonnant et utopique, mais que Joséphine et ses enfants doivent quitter parce qu’elle est ruinée et criblée de dettes. La princesse Grace de Monaco lui tendra la main et lui offrira alors un logement. Elle est décédée au lendemain de la 14e représentation à Bobino (Paris) du spectacle où elle célébrait ses cinquante ans de carrière. Un spectacle acclamé.


"Jamais née au même endroit", les origines martiniquaises de Joséphine Baker font partie de "sa légende"

hommage
La chanteuse Joséphine Baker en 1939.
La chanteuse Joséphine Baker en 1939.  ©STUDIO HARCOURT / MINISTERE DE LA CULTURE / AFP
Près de cinquante ans après sa mort, l’artiste franco-américaine entrera au Panthéon en novembre prochain. Militante antiraciste, ce sera la première femme noire à être panthéonisée.

Le 30 novembre prochain, Joséphine Baker sera la première femme noire à entrer en Panthéon. Danseuse, chanteuse, espionne, figure de la lutte antiraciste… La meneuse de revue franco-américaine a eu mille vies. Une existence bien remplie qui n’a pas empêché l'interprète de "J’ai deux amours" de romancer son existence, notamment dans les six autobiographies qu’elle a rédigées, souvent contradictoires.

"Si vous lisez toutes les biographies de Joséphine Baker qui sont parues au cours de sa vie, donc qu’elle a réellement écrites, à chaque fois il y a des choses différentes. Elle n’est jamais née au même endroit, elle n’a jamais le même nom", détaille Jacques Pessis, qui a écrit une biographie de l’artiste en 2007. Joséphine Baker a par exemple déclaré à la presse avoir des parents d’origine martiniquaise. Une information hautement improbable selon le biographe. "Elle n’a pas connu son père, sa mère est née dans le Missouri. Donc je pense que les origines martiniquaises ça fait partie de ces légendes qu’elle aimait faire courir pour le plaisir de faire de la communication. C’était une reine du marketing avant la lettre", explique-t-il.

Femme de combat

La "communication" et le "marketing", Joséphine Baker s’en est servi pour mener des combats politiques. Devenue une star internationale, elle a notamment lutté toute sa vie contre le racisme. "Elle va devenir celle qui défend la cause de ses frères et de ses sœurs. Ce combat de sa vie, il a continué jusqu’au bout, puisque à chaque fois qu’elle partait dans un pays, elle défendait la cause des siens, explique Jacques Pessis. Elle a été aux côtés de Martin Luther King, elle a multiplié les pétitions jusqu’au bout. Elle était très en avance sur son temps."

Elle a pris le risque de porter la voix de ses frères et sœurs pour justement qu’on les considère comme des êtres humains et pas du tout comme des êtres à part. Elle y est parvenue, et je pense que si aujourd’hui le racisme est combattu, elle est la pionnière du genre.

Jacques Pessis, auteur d’une biographie de Joséphine Baker.


Pendant la Seconde Guerre mondiale, Joséphine Baker s’engage dans la Résistance. Encore une fois, elle se sert de son immense notoriété pour arriver à ses fins. "Pendant deux ans, elle va parvenir à faire passer des messages à la résistance, des messages qui ont été copiés à l’encre sympathique sur des partitions qu’elle transporte, détaille Jacques Pessis. Bien sûr aux frontières personne ne lui demande un papier, un passeport. On la reconnaît, on lui demande simplement des autographes !" 

La sixième femme panthéonisée

Les enfants de Joséphine Baker se battent pour faire entrer leur mère au Panthéon depuis une dizaine d’années. En mai dernier, Brian Baker, l’un de ses fils, lance une pétition en ligne, qui recueille près de 40 000 signatures. Plusieurs personnalités, notamment le présentateur Stéphane Bern ou l’artiste d’origine guadeloupéenne Laurent Voulzy, soutiennent publiquement cette panthéonisation. a me semble juste et ça me semble le bon moment. Pendant des années, Joséphine Baker a été totalement oubliée. Quand j’ai écrit sa biographie personne ne savait plus qui elle était, explique Jacques Pessis, qui se dit "heureux" de l'entrée prochaine de l’artiste au Panthéon. "Je crois qu’une femme qui défend aujourd’hui la résistance, la France -puisqu’elle a combattu pour le général de Gaulle- qui défend l’antiracisme, c’est dans l’air du temps. C’était le moment ou jamais."

En novembre 2021, Joséphine Baker sera la sixième femme -sur quatre-vingt-une personnalités- à entrer au Panthéon. Mais le corps de l’artiste, décédée en 1975 et enterrée à Monaco, ne sera pas transporté à Paris selon l’AFP. La République rendra hommage à Joséphine Baker symboliquement, en installant au Panthéon un tombeau vide et une plaque.