DES BRETONS AUX ANTILLES

DES BRETONS AUX ANTILLES
DES BRETONS AUX ANTILLES...



 
 

Ils sont passés du mono au cata !

 

 
Mais pourquoi voit-on de plus en plus de navigateurs passer du mono au cata, et quasiment aucun faire le chemin inverse ? Qu'est-ce qui les motive ? Quels sont les arguments en faveur du cata ?
Pour répondre à ces questions, nous avons réuni plusieurs navigateurs, certains venant de la régate en monocoque, d'autres de la croisière côtière ou encore du grand voyage. En bateau de grande série, sur des monocoques de voyage ou même sur des unités qu'ils ont construits eux-mêmes, ils en sont tous arrivés à la conclusion, que le bonheur sur l'eau est forcément sur plusieurs coques…
Evelyne et Jean
Bateau actuel : Lagoon 410 "Yapuka"
Monocoques : Sangria - Atch 1050, construit de leur main en 10 ans.
Programme : Vie à bord - tour Méditerranée puis Atlantique.
Le + du catamaran : "J'aime la navigation à plat, surtout par gros temps, c'est vraiment sécurisant"

L'histoire nautique d'Evelyne et de Jean commence au début des années 80, lorsqu'ils achètent les plans d'un Atch 1050 à Dominique Provin et quelques tonnes de tôle pour le construire. En 1991, soit après dix ans de dur labeur, le monocoque tant désiré est enfin mis à l'eau. Après leur Sangria, le Atch paraît tout de suite bien plus confortable et logeable… Au menu de la famille, il y aura d'innombrables navigations, et des souvenirs en pagaille de mouillages somptueux au départ de la Manche. Angleterre, îles anglo-normandes, vers le sud ou en direction du nord, la famille ne connaît que peu de limites passant plus de 60 jours par an à bord et en navigant en moyenne plus 1000 milles chaque année.
En 2006, Evelyne et Jean partent en croisière aux Antilles avec trois autres couples sur un catamaran. Pour éviter de savoir qui va prendre en charge le bateau, ils décident de prendre un skipper, ce qui permettra en plus de bien découvrir la zone qu'ils ne connaissent pas. A neuf, à bord du Lagoon 380, Evelyne et Jean découvrent une autre manière de vivre en bateau. Espace, confort, intimité : on se déplace à 9 dans le catamaran avec une facilité inconnue à bord du monocoque. Et puis Evelyne, qui est sensible au mal de mer découvre le bonheur de naviguer à plat… Bref, ils sont enthousiasmés et cette expérience va être déterminante pour la suite ! Au retour des Antilles, la famille navigue à nouveau avec le Atch. Fin 2006, Jean connaît quelques difficultés dans son travail et peut envisager de passer du temps à aménager un bateau. Oui, mais quel bateau ? Rapidement, et devant le programme qu'ils envisagent, le choix du catamaran devient une évidence. Evelyne et Jean veulent en effet recevoir à bord leurs enfants, mais aussi leurs jeunes petits-enfants, âgés d'un an et de quatre ans et demi. Le tout pour un tour de Méditerranée puis un tour Atlantique. Ils hésitent longtemps entre un Lagoon 380 et un 410. Finalement, ils craquent pour une belle occasion, un 410 sortant de la flotte de location du loueur Apaca. Récupéré à la fin de la saison, et après une rapide préparation, le couple part de Hyères le 15 octobre dernier pour rejoindre son port d'attache en Bretagne le 10 novembre. Une belle croisière via Gibraltar, qui les conforte dans le choix de leur nouvelle maison. Du près, plus de 45 nœuds de vent, des conditions "hivernales" et pourtant Evelyne et Jean se sont toujours sentis en parfaite sécurité. Car si l'avantage du catamaran réside dans l'espace qu'il offre à ses occupants, le confort et la sécurité de naviguer à plat sont aussi un sacré argument au niveau de la sécurité. En cata le bateau reste à plat, et est donc beaucoup plus confortable en cas de mer formée. On peut veiller au chaud, dans le carré tout en ayant une bonne vision sur l'extérieur, donc on fatigue moins, et la fatigue est définitivement l'élément qui peut amener à l'accident…
Aujourd'hui, Jean s'apprête à préparer sérieusement son bateau pour partir, en attendant qu'Evelyne soit à son tour à la retraite et qu'ils puissent profiter de belles navigations ensoleillées.

Luc
Bateau actuel : Dean 441
Monocoques : Caseyeur à voile - dériveur - Corsaire - Cornu - ex-vedette de l'amirauté anglaise - vieux gréement de 23 m… Moody 42 DS
Programme : Atlantique - Amérique du Sud puis Pacifique.
Le + du catamaran : "Nous naviguons à deux le plus souvent, donc un bateau facile à manœuvrer est un vrai plus"

Luc a commencé à naviguer très jeune… Avec le père d'un copain qui était marin pêcheur dans un petit port de Bretagne. A l'époque, ils allaient avec un caseyeur à voile tous les jours dans le secteur des Glénans pour ramasser crevettes et crabes. Une excellente formation lorsque l'on a à peine 6 ou 7 ans ! La suite, c'est logiquement du dériveur, puis du petit croiseur côtier avant, à 17 ans, de s'acheter son premier voilier : un Corsaire. Le premier d'un véritable inventaire à la Prévert, allant du voilier genre Cornu en passant par une ancienne vedette de l'amirauté anglaise et un vieux gréement de 23 mètres de long… Aujourd'hui, Luc navigue sur un Moody 42DS qui est à vendre (très belle affaire pour un couple cherchant un mono !!!), car il va réceptionner son prochain bateau en mai prochain : un Dean 441 ! "Nous allons réceptionner le cata en Afrique du sud et la première traversée sera celle de l'atlantique sud ce qui implique une grande confiance dans le bateau car ce sera sa première grande sortie…"
"Mes navigations m'ont permis de naviguer en Bretagne et sur les côtes d'Angleterre et d'Irlande. Puis je suis descendu sur les côtes cantabriques. Après avoir testé mes capacités dans ces zones pas toujours très faciles du golfe de Gascogne et de la mer d'Irlande, j'ai pris la décision d'arrêter de travailler et de partir pour vivre de longues périodes en naviguant à bord. Je suis donc parti en 2000 pour la Méditerranée.
Depuis maintenant trois ans j'ai trouvé une compagne qui navigue avec moi et nous avions envie d'aller voir plus loin. Après avoir réfléchi, nous sommes arrivés à la conclusion que pour le programme que nous envisageons, c'est à dire partir vers les côtes d'Amérique du sud puis de passer dans le Pacifique pour aller retrouver des amis qui sont partis avant nous, le bateau qui nous convient le mieux est un cata."
Naviguant le plus souvent à deux, et conscient qu'à la soixantaine, on n'est plus aussi souple qu'à 20 ans, Luc et sa compagne ont choisi le cata pour son confort, bien sûr, mais aussi pour sa facilité de manœuvre. Et puis compte tenu de leur programme de navigation (le Pacifique), c'est une vie dans les mouillages qui les attend, et Luc n'aime pas, mais alors pas du tout le roulis d'un monocoque…
"Après avoir fait un tour de ce qui existe sur le marché, nous avons à opté pour le Dean qui nous donnait une possibilité d'aménagement à notre convenance à un prix raisonnable pour un bateau confortable et marin."


Guy
Bateau actuel : Catamaran Polo Frère - "Bahia"
Monocoques : croiseur côtier DL en bois de 7,20 m - Samouraï - Aïkido - Trismus - Endurance 35.
Programme : Essentiellement vie à bord, croisière côtière et semi-hauturière, soit en solitaire, soit en couple.
Le + du catamaran : " Les aménagements de notre bateau avaient été pensés pour un couple. Le plan de pont était super pour les manœuvres et le farniente, la timonerie intelligemment conçue, et l'on aurait presque mis une table de ping-pong dans le cockpit !"

Guy a commencé sa "carrière" nautique au milieu des années 70, avec un petit croiseur côtier, dériveur lesté de 7,20 m en bois… Depuis, il n'a cessé de naviguer, en régates, en entraînement, en organisant des charters ou des écoles de voiles sur ses voiliers (Trismus puis Endurance 35), et à bord d'autres bateaux en temps que skipper ou convoyeur. Bref, on peut dire qu'il a un bon nombre de milles sous la quille…
Au moment de se racheter un bateau, Guy a longtemps cherché à retrouver un Endurance 35, semblable à son "regretté" précédant navire. Mais tous ceux qu'il a alors visités étaient soit trop cher, soit n'avaient pas le même plan de pont… Jusqu'au jour où il a compris qu'il courait après un fantôme, et qu'avec son bateau, s'était envolé une part de sa vie qu'il était vain de vouloir recréer… "C'est à ce moment là que je me suis mis à penser à un catamaran. Non par idée de mode, mais pour tourner la page, et passer à quelque chose de vraiment nouveau. De plus ayant goûté au salon de pont, je ne voulais plus que l'on vive "à la cave"..." Son choix s'est alors porté sur un catamaran construit par le chantier Polo Frère de La Ciotat sur plans Pappon. un catamaran atypique, confortable, qu'il achète en 1998, et sur lequel il commence à vivre à l'année pendant quatre ans en écumant les mouillages sauvages (il en reste !) de Méditerranée. Car ce qu'à bien compris Guy, c'est qu'on ne navigue pas de la même manière avec un monocoque et un catamaran. Le très faible tirant d'eau du cata, la possibilité d'échouage à plat, son confort aussi bien à la mer qu'au mouillage, sont un plus indéniable. "Après plusieurs années de vie à bord permanente, et sans jusqu'à aller dire "le mono, plus jamais", je sais qu'en parcourant mon livre de bord, il est une phrase que j'ai notée plusieurs fois : "Merci Bahia...", pour son tirant d'eau très faible (dérives) qui nous a permis d'aller dans des coins reculés sans soucis, pour sa stabilité au mouillage (quand on voit les autres rouler bord sur bord), et pour me permettre de bouquiner ou siroter ma bière dans le cockpit, en route au près, bien à plat.
Pour être honnête, il faut aussi parler de l'entretien (peinture annuelle pour la maintenance, carénage, frais sur les 2 moteurs), et surtout du prix des places de port (à éviter au maximum) qui augmentent nettement le budget par rapport à un mono de même taille (37'), mais il faudrait plutôt comparer à volume égal." Et bien sûr, dans ce cas, il n'y a pas photo !


Gordon
Bateau actuel : Outremer 45 "Obedient"
Monocoques : Westerly Cruisers 22 et 26, Sigma 362, puis cat de course de 30', Dazcat 30', Corsair F31R.
Programme : Découverte du plus bel endroit où naviguer au monde : la côte ouest de l'Ecosse.
Le + du catamaran : On y vit confortablement 2 semaines (ou pour toujours ?), et il nous emmène dans la plus belle zone de navigation au monde, la côte ouest de l'Ecosse !"
Le cas de Gordon est différent : après avoir beaucoup usé ses cirés sur la côte écossaise en régate en monocoque, il est passé au multicoque pour aller toujours plus vite et plus loin… Aux Westerly Cruisiers de son père ont donc succédé un Sigma 362 puis un catamaran de course de 30', un 30' Dazcat, un trimaran F31R et enfin un Outremer 45… Un vrai fana du multicoque. Il faut dire que son programme de course est sérieux (Scottish Islands Peaks Races - UK Three Peaks Race…), et que ses catas de courses ou son trimarans y ont fait des merveilles. Aujourd'hui, Gordon trouve que son catamaran offre le parfait compromis entre bonnes navigations, traversées rapides et confort… Et si les sensations de barres sont moindre au près, les performances sont toutes aussi bonnes, et quel plaisir au portant. Et à la question de savoir quel sera son prochain bateau, il répond immédiatement : "j'ai le bateau parfait, j'espère ne jamais en changer !"


Massimo
Bateaux actuels : Freydis 49 - Dragonfly 920 Extrême
Monocoques : Flying Dutchman - Star - Minitonner - Half Tonner - quarter Tonner - ILC 25 - Platu 25 - J24.
Programme : Profiter de la Caraïbe.
Le + du catamaran : "la stabilité (fin de la gîte!!), la rapidité (pas tous, mais les miens oui !), la qualité de vie à bord en navigation et au mouillage, la sécurité, le faible tirant d'eau, la facilité de manœuvre."

Massimo semble être né sur un bateau : il régate depuis 1966 (Flying Dutchman - Star - Minitonner - Half Tonner - quarter Tonner - et encore aujourd'hui J24…). Une expérience de la régate qui ne l'empêche pas de naviguer en croisière depuis 1976 sur une bonne demie douzaine de moncoques différents. Et puis en 1999, il passe au cata, en se faisant construire un Mattia 56' (12 tonnes - mât carbone - dérives sabres : un cata vraiment rapide) puis en 2007 un Freydis 49 (voir l'essai de son bateau dans notre précédant numéro). Entre-temps, il a aussi acquis un Dragonfly 9820 Extrême, afin de pouvoir s'amuser sur la Côte d'Azur, lorsqu'il n'est pas sur son cata… Pourquoi le cata ? Après une "merveilleuse expérience" sur son Vallicelli 65' aux Antilles, il a décidé de vivre plus longtemps dans ces lieux et d'y promener ses nombreux amis, familles et parfois clients. Pour ce faire, rien de mieux qu'un catamaran, pour la stabilité qu'il procure (plus de gîte !), sa rapidité (en tout cas ceux de Massimo !), la qualité de vie à bord en navigation et au mouillage, la sécurité, le faible tirant d'eau, la facilité de manœuvre…
Et quand on lui parle de son futur bateau, Massimo, bientôt grand-père hésite. Et puis, son œil s'allume "qui sais, peut être… un autre tri un peu plus grand à la place des multi actuels ? Mais le cata actuel devra durer encore quelques années. Qui vivra, verra !"


Jean-François
Bateau actuel : Dragonfly 920 - "Tri Heol"
Monocoques : 420 - Ponant - Challenger Micro - Ovni 32
Programme : croisières côtières en Bretagne ou semi - hauturières -  seul ou avec des amis ou en famille.
Le + du trimaran : "Croisière rapide, bateau vivant, sensible et en plus, il est beau !"

La démarche de Jean-François est, elle, complètement inverse à celle des autres : il a fait un grand voyage en monocoque, et s'est acheté un multicoque pour réaliser ses croisières côtières… En 1995, après de nombreuses navigations en Bretagne, Jean-François achète un Ovni 32 en vue d'un grand voyage. En 1998, l'âge de la retraite venant, il part pour un tour de l'Atlantique Nord en solo : Scilly, Irlande, Ecosse, Shetland, Féroé, Islande, Canada (remontée du St Laurent), canaux vers Hudson, New York, Chesapeake, Norfolk, Bermudes, Antilles, Yucatan, Floride, Bermudes, Açores, Gibraltar, Corse, retour par Gibraltar, Portugal, jusqu'à La Rochelle : en tout 16 mois. "Après ce périple, je me suis orienté vers un programme plus côtier ; j'ai trois petits enfants, qui pratiquent le dériveur avec leurs parents, et qui s'ennuyaient un peu sur l'Ovni ! Donc, je me suis mis à la recherche d'un bateau vivant, avec un petit tirant d'eau : le multicoque me tentait, mais quand j'en ai parlé au directeur du port où j'ai une place (Port Haliguen), il m'a dit "pas question, je n'ai pas la place"... En cherchant, j'ai découvert les trimarans pliables, Corsair, Dragonfly, etc... Vendu l'Ovni, 110 000 euros, et pour 10 000 euros de plus j'ai trouvé un superbe Dragonfly 920, d'occasion…"
"J'ai ramené ce bateau du Danemark, seul, au mois d'avril 2005, en une quinzaine de jours (canal de Kiel), puis Zelande, Belgique, Manche, jusqu'à Port Haliguen. Depuis, je navigue toute l'année, pour des petites sorties de la journée ou de quelques jours seul ou avec des amis ; en 2006, Anglo-Normandes, Scilly, Irlande aux mois de mai et juin en solo ; pendant les dernières vacances, croisière autour de la Bretagne avec mes trois petits-enfants, très beaux souvenirs !"
Et quand on lui demande les avantages de son bateau actuel sur les monocoque : "croisière rapide, bateau vivant, sensible ; le DF 920 est super-bien étudié, très facile à gérer en solo ; échouage facile ; en plus, il est beau..."


Maurice
Bateau actuel : Outremer 55' "Kappa"
Monocoques : 30 ans de navigations en monocoques. Un tour de l'Atlantique en Lévrier 14.
Programme : tour du monde en famille.
Le + du catamaran : "Une vitesse incomparable qui permet de s'éloigner du mauvais temps, et un tirant d'eau réduit qui offre des mouillages uniques."

Maurice a quant à lui une solide expérience de navigation hauturière, puisqu'il a déjà réalisé un tour de l'Atlantique à bord de son monocoque (Un Lévrier 14m). Il a réalisé cette aventure de manière originale, puisqu'il devait régulièrement "abandonner" son bateau, pour rentrer en France pour travailler. De cette expérience, qu'il a trouvé "frustrante", il a tiré deux conclusions : son prochain départ se fera sans avoir besoin de retourner travailler régulièrement, pour vivre à fond son rêve, et il partira : en cata ! Pourtant sa dernière expérience en cata remonte à quelques bords en Hobie 16 lors de vacances à la plage… Mais aujourd'hui, il en est convaincu : l'espace, le confort et le carré de plain-pied offre un confort et une sécurité exceptionnels. Pourtant, à quelques mois de son départ, Maurice, qui vient du monocoque en alu a encore quelques questions sur la solidité du cata en cas de talonnages intempestifs (il n'a encore quasiment pas navigué avec son Outremer 55). Même s'il a conscience que pour talonner avec un tirant d'eau de 80 cm, il faut vraiment chercher les ennuis… Et puis  il est certain que la vitesse (10 nœuds en moyenne soit 240 milles/jour) est l'argument de sécurité imparable pour se sauver d'un mauvais pas.
Il partira donc bientôt sur son Outremer 55', avec sa femme et leur enfant de 3 ans pour un tour du monde qu'il espère le plus long possible : "si notre voyage dure longtemps, cela signifiera la réussite de notre rêve"…